Actualites Intersystems
Les leçons de la pandémie
Auteur: Jan Vekemans
L’année qui vient de s’écouler a appris énormément de choses au secteur des soins de santé : à propos de la propagation et du traitement de la COVID-19, de l’organisation d’une vaste campagne de vaccination et de l’importance de données de qualité. Jan Vekemans, sales manager chez InterSystems, a également relevé des points à améliorer au niveau de l’IT. Pour l’expert en technologie, il est surtout important de revoir la façon dont les données de santé sont traitées.
Quelques jours avant notre entretien, un grave incendie ravageait un immeuble à appartements d’Anderlecht. Trente personnes ont dû être emmenées à l’hôpital. Jan Vekemans y voit un exemple concret de l’importance des données.
« Les services de secours ont dû téléphoner aux hôpitaux un par un pour trouver des lits libres, un travail laborieux et chronophage. L’une ou l’autre ambulance a même dû être réorientée vers un autre hôpital alors qu’elle était déjà en route, lui faisant perdre de précieuses minutes. Il existe pourtant une alternative parfaite, puisque la société Prior-IT a mis au point une application qui affiche en temps réel la localisation et le type de lits disponibles. Car ces données existent, il ne reste qu’à les rassembler et à les mettre à disposition de ceux qui en ont besoin – les services de secours, dans cet exemple. »
Le problème n’est donc pas le manque de données collectées en Belgique, mais la manière dont elles sont collectées. « Nous en sommes encore souvent à la première phase, qui consiste à recueillir un maximum de données et à les mettre dans une base de données. Mais cette phase seule n’a pas beaucoup d’utilité. La deuxième étape vise à traduire ces données en un format structuré qui peut être lu automatiquement, ce qui facilite l’échange et l’utilisation des données. Enfin, la troisième étape consiste à exploiter ces données. « Prenez un tensiomètre. Vous pouvez demander à une infirmière de noter manuellement les valeurs mesurées dans un dossier médical. Mais vous pouvez aussi connecter le tensiomètre et transférer les données automatiquement dans un dossier médical. Dans ce cas, la troisième étape consiste à paramétrer le système pour qu’il avertisse automatiquement l’infirmière en cas de valeur trop élevée ou trop basse. C’est nettement plus efficace qu’un contrôle continu des données effectué par le personnel infirmier. »
Au début de la pandémie, nous avons manqué d’un reporting fiable et actualisé des contaminations et des décès. « Le décompte reposait sur des feuilles de calcul, différentes sortes de bases de données, voire des documents Word. Bref, un méli-mélo de formats et des données souvent non structurées », explique Vekemans. «Étant donné que les hôpitaux et les maisons de repos n’ont pas envoyé de chiffres aux même rythme, il ne faut pas s’étonner que Sciensano rencontre des difficultés à établir des rapports ponctuels et corrects – alors que ça n’a pourtant rien de sorcier. Le problème n’est pas la coexistence des différents systèmes. Il est parfaitement possible d’ajouter une couche au-dessus de ces systèmes, leur permettant de communiquer entre eux et d’échanger leurs données de manière uniforme et structurée. »
Vekemans fait référence au réseau Medex en Californie. « Grâce à ce système, les données de 19 millions de patients peuvent être partagées entre tous les hôpitaux affiliés. Je pense aussi à la plateforme de la Veterans’ Association, une organisation sans but lucratif pour les anciens militaires de l’armée américaine. Elle permet au dossier médical de chaque vétéran d’être directement disponible dans chaque hôpital où il se rend, indépendamment de la source des données. »
Les données médicales sont des informations sensibles. N’y a-t-il pas un risque de confidentialité si un organisme partage ces données avec des tiers ? Non, selon Jan Vekemans. « On se cache souvent derrière le prétexte de la confidentialité pour justifier l’inaction. Ma vie privée est bien sûr importante, mais ma vie l’est encore plus. Prenons un cas vécu. Je souffre moi-même d’une grave allergie aux noix. C’est écrit quelque part dans mon dossier, en remarque dans un champ de texte. L’année dernière, j’ai dû être opéré et l’anesthésiste, qui n’avait pas vu cette remarque, avait prévu une pompe à base d’un dérivé de noix. On l’a heureusement remarqué à temps, sinon, j’aurais succombé à des complications malgré une opération réussie. »
« Il existe en outre des solutions pour garantir la confidentialité. Les Pays-Bas ont ainsi conçu le réseau Landelijk Schakelpunt (LSP+). Lorsqu’un patient arrive aux soins intensifs, le médecin traitant a accès à son dossier médical, peu importe où les données sont stockées. Cet accès est strictement régulé et le dossier est détruit au niveau du Schakelpunt après cinq minutes. Les abus sont-ils totalement impossibles ? Non. Mais aujourd’hui, des personnes meurent car les données ne circulent pas. Est-ce préférable ? »
Les informations peuvent parfaitement être partagées sans devoir générer une grande base de données unique, souligne Vekemans. « On pourrait créer un conteneur pour chaque belge et y stocker toutes ses données médicales, par exemple auprès des pouvoirs publics fédéraux. Mais ce n’est pas indispensable. On peut parfaitement opter pour un stockage décentralisé des données, comme c’est le cas chez Medex, auprès de la NHS au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Il suffit de permettre les échanges, ce qui est simple sur le plan technique. Ce n’est qu’une question de volonté. »
Pas nécessaire que les hôpitaux remplacent leur infrastructure IT existante à cette fin, précise Vekemans. « Ce serait un énorme gaspillage. Sans compter qu’il faut un à deux ans avant de maîtriser un nouveau système. Aucun hôpital ne dispose d’autant de temps, surtout à l’heure actuelle. Tout ce qu’il faut, c’est ajouter une couche au-dessus des systèmes existants, comme une sorte de parapluie – d’où le nom de système « umbrella ». Ce système a déjà fait ses preuves à l’étranger. On évite ainsi les examens en doublon et les recherches inutiles, et on gagne en efficacité. Et qui dit 5 % d’efficacité en plus, dit 5 % de ressources en plus pour les soins réellement utiles. »
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